Baptiste Fillon

(rien à voir avec François)

Le site de Baptiste Fillon, auteur du roman Après l'équateur, publié chez Gallimard, dans la collection Blanche.

La ballade du peuplier carolin, Haroldo Conti

Haroldo Conti a disparu en 1976. Les militaires l’ont assassiné. C’est un fantôme, un mythe, désormais. Il reste ses livres et ils valent pour l’éternité. Je viens de finir La ballade du peuple carolin. Ou plutôt j’en viens, comme on débarque d’un autre continent de la solitude et de la nostalgie. Il y a quelque chose de Pessoa chez Conti. La douleur infini du temps qu’on ne connaîtra plus, des histoires qu’on ne vivra pas, des vies qui auraient pu être la nôtre.

On pense généralement que les journées d’un arbre se ressemblent toutes. Surtout s’il s’agit d’un vieil arbre. Mais non. Une journée d’un vieil arbre est une journée du monde.
— Page 9

Il raconte Chacabuco, la ville de son enfance, l’oncle qui court comme un mort, celle dont tous sont amoureux, celui qui veut voler, comme un Léonard de Vinci qui aurait osé utiliser une de ses machines aériennes restées à l’état de dessins.

Alors, effaçant le temps et les distances, je les rassemble tous autour de cette table du souvenir que ce soir j’ai dressée pour eux.
— Page 115

Conti embrasse un combat épique et vain contre l’oubli, avec tendresse et empathie, une poésie quotidienne qui méprise le cabotinage, dans ce qu’elle a aussi de rude, d’aimant et de violent. Chaque mémoire est une fresque épique, où le temps n’existe pas. Le temps d’une vie, nous sommes éternels. De ce paradoxe fondateur de tout geste artistique, seuls les grands, comme Conti, savent donner la pleine mesure.